Merci Isabelle C. et Anne-Marie Bes., Gérard pour vos textes …
Tic- tac, tic- tac
« La pendule au salon, qui dit oui qui dit non… »
Brel emplit la pièce de sa voix nostalgique, mélancolique et sans appel, la mort arrive à grand pas…
Alors oui, le choix a été fait, les vitres n’ont pas été lavées depuis l’âge de la retraite ; comme çà disent les « vieux », on ne voit plus le temps passer.
Aujourd’hui ils ont ces deux-là, ils ne le savent même plus…
Vous parlez d’« âge », mais quel mot barbare !
Cela ne les concerne plus et puis qui s’en intéresse ?
Ils sont seuls, délaissés, délabrés derrière les carreaux noircis et délavés.
Sans intérêt, les gens passent, trébuchent, courent, s’enlacent…peu importe la maison semble abandonnée, vide.
Personne ne lève le nez, hiver comme été, la fenêtre reste fermée.
Nous sommes tous emmurés derrière nos préjugés, la vie s’éteint petit à petit…
C’est fini !
Demain un jeune couple viendra s’installer, peut-être y aura-t-il un bébé…
Peu importe, les baies seront propres, étincelantes, accueillant de nouveau la lumière, la vie, l’espoir, les rires, les chagrins du quotidien. Les battants s’ouvriront dès le printemps.
La chaleur estivale pénètrera mais cet éphémère ne durera qu’un temps.
La pendule au salon :
Tic- tac, tic -tac
« qui dit je vous attends ».
Isabelle C
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Texte sur la fenêtre délabrée.
TANDIS QUE JE ME MEURS !
Cassée, bien cassée !
Fatiguée, tellement fatiguée !
Usée, trop usée !
Désenchantée !
De solitude glacée !
De pourriture encombrée !
Bouche ouverte, édentée !
Aveuglée, yeux crevés !
Paupières arrachées !
Désossée, délabrée, décharnée !
De mes orifices morbides
S’exhale une odeur fétide
De pourriture
De moisissure.
J’agonise
Mais je résiste au temps et à son emprise.
Le soleil, qui n’a plus rien à réchauffer,
Joue seul avec les toiles d’araignées.
La pluie se déverse à flots
Par ces étranges et noirs goulots.
La pluie, qui, a joliment fleuri
D’ocre et de safran mes vieux os de pierre, meurtris.
Dans ce désastre
Ne brillent ni lune, ni soleil, aucun astre.
La mort !… la vie est partie !
La vie s’est enfuit !
Celle des enfants, leurs chants, leurs pleurs
Celle des femmes tissant le bonheur.
Le parfum sucré des confitures
Le bel enveloppement de la nature
La chaleur du feu qui pétille
L’animation joyeuse de la famille.
La belle vaisselle sur la table
Les convives élégants et agréables.
Oui, je fus riche, je fus belle
Brillante et même spirituelle.
Je ne fus pas le taudis
Du pauvre qui se languit.
Je fus solidement construite
Avant que d’être détruite,
Taillée, façonnée pierre à pierre
J’avais une allure bien fière.
Mais voilà, je ne suis plus tendrement aimée,
Je suis lasse et abandonnée,
Visitée seulement
Par la violence des éléments,
La pluie, le soleil, la foudre, le vent
Livrée à leur vindicte folle
Je demeure sans mot, sans parole.
Par leur force réunis ils m’enserrent, m’outragent,
Me dépècent, me violent, me saccagent.
Oui je suis Résistante !
Mais jusqu’à quand serai-je la battante ?
Mais jusqu’où ira mon supplice ?
Quels seront la multiplication de mes sévices ?
Quelle ultime bourrasque m’affaiblira !
Qui saura voir dans ma déchirure
Et ma solitaire décrépitude
Un nid possible
Pour y recréer de l’amour, de l’invincible.
Qui ? Quand ? Comment ?
Tandis que je me meurs !
Anne Marie Bes.
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A toi, l’intemporelle, l’immuable, l’éternelle
Tu es et as toujours été présente au fil des ans.
Tu as vu, tu as épié consciemment ou non, quelle curieuse, tu fais !
Véritable concierge, tu as écouté et entendu les lourds secrets qui ne seront jamais dévoilés et finiront dans la tombe… Mais, comme par miracle, tu n’as jamais rien dit. Silencieuse et stoïque, tu ne bouges pas. Parfois à la tombée de la nuit, tu grinces, est-ce le poids du passé qui t’oppresse ou uniquement les gonds de tes volets légèrement rouillés qui auraient besoin d’être un peu huilés ?
Enfant, tu accueillais mon ombre, mon reflet, mon image. Pour moi, tes vitres étaient de véritables joues toutes douces, toutes rondes, chaudes ou glacées selon les saisons. Mon souffle t’embrumait, je trouvais ça très rigolo. Peut-être, est ce que je te maltraitais sans m’en rendre compte et que pour te venger, tu devenais invisible.
Alors, lorsque j’arrivais sur toi à toute vitesse en quête d’un câlin, pour tout cadeau, je revenais avec une énorme bosse frontale.
Je te détestais, j’hurlais m’étranglant à chaque syllabe, m a m a n, ma man, maman ! Aveuglée par mes larmes, tout en haletant, je me jetais dans les jupes de ma mère, qui m’attendait au bout du couloir avec le produit magique qui soulagerait tous mes maux et me permettrait de repartir aussi vite que j’étais arrivée. Souriante elle déposait un gros poutou sur ce vilain bobo, me recommandait de bien faire attention, m’assurant de son amour éternel et voilà ; ni une, ni deux, tout était oublié. Prudemment, je revenais te voir.
J’étais totalement subjuguée. Une attirance incontrôlable due à je ne sais quel phénomène, la clarté, la luminosité autant que la noirceur, la transparence…
Aujourd’hui j’ai beaucoup vieilli et je souris en regardant mes petits-enfants, eux aussi totalement happés. Mêmes gestes, mêmes cris, mêmes rires, mêmes sanglots, et oui, la vie n’est qu’un perpétuel recommencement, seuls les protagonistes changent.
Sur la roue de l’existence, tu te nommeras toujours perpétuelle et moi, je n’aurai été que l’éphémère.
Isabelle C
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Ce matin en ouvrant ma fenêtre
Quelques flocons et le froid
Givraient le Pays Guillestrois
J’ai pris mes semelles de vent
Et monté vers Tramouillon d’un pas lent
Lumière Queyrassine
sauras-tu me faire un signe
Le jour où je me serai enfui
Dans l’ubac de l’ombre tapi
Gérard